Ancêtres de Bresse et  de Savoie

La gabelle en Savoie au 18ème siècle

D'après Bruno GACHET

 

      Le sel a toujours été un élément vital à l’homme comme au bétail. Il est indispensable à l’équilibre hydrominéral mais il est aussi le seul moyen de conserver les aliments à l’époque où la production de froid alimentaire n’existait pas. On lui attribue aussi de nombreuses vertus désinfectantes ou surnaturelles.

       C’était donc le produit idéal pour instituer une taxe sur sa consommation : la gabelle du sel.

      Le sel distribué en Savoie provenait des Salines de Moutiers et Conflans, en Tarentaise, mais un complément nécessaire devait être acheté à l’étranger. Par le Traité d’Utrecht en 1713 la France se devait de couvrir les besoins en sel de la Savoie à un prix politique très réduit. Il était principalement remonté des salines du Midi par le Rhône.

      Après qu'il eût été surabondamment démontré que les incertitudes de l'affermage,la contrebande endémique et les fraudes et abus de toute sorte compromettaient gravement les recettes de l'impôt du sel, Victor Amédée II rétablit de fait la régie directe par son édit du 14 janvier 1720, applicable dans l'ensemble des États. Cette loi fiscale de grande ampleur, complétée par le manifeste de la Chambre des comptes du 7 juin 1721, définit de nouvelles règles pour le rencesement des contribuables.

      Cette loi impose à chaque famille la levée d’une quantité minimum annuelle obligatoire de sel, au prix de quatre sols la livre. Cette quantité était calculée en fonction du nombre de personnes vivant sous le toit familial, du cheptel et d’une éventuelle activité économique engendrant une consommation supplémentaire de sel (cabaretiers, bouchers, boulangers etc...). Un recensement des personnes et des bêtes fit donc l’objet chaque année de documents appelés consignes établis par les secrétaires de chaque paroisse du duché.

      Leur exploitation nous permet donc une analyse de la population et de l’élevage en Savoie. Les bestiaux dénombrés sont non seulement ceux consommant du sel, mais aussi les cochons ou autres bêtes tuées et salées pour la conservation de leur viande. Le besoin en sel d’une famille est ainsi un indice de grandeur, d’aisance et d’activité économique.

      Tous les recensements (consignes) n’ont malheureusement pas été conservés. L'édit du 14 janvier 1720 ne prévoyait leur conservation que pendant 3ans (1an à la disposition du gabellier, 2 aux archives de la commune.

A- Les acteurs dans le système de la distribution du sel

Les gabellants :

 

Ce sont les personnes assujetties à la levée du sel. Seuls les enfants de moins de cinq ans, dits " mineurs de cinq ans ", sont exemptés. Chaque trimestre ils doivent lever le quart de la quantité annuelle de sel qui leur est imposée, en s’approvisionnant auprès du regrattier, au prix de quatre sols la livre de sel.

 

La communauté d’habitants :

 

Elle est constituée de l’ensemble des personnes qui ont le droit de jouir des biens communaux. C’est à l’origine une pure association de copropriétaires formant une unité fiscale et administrative. De plus en plus, sous l’ancien régime, elle deviendra une unité territoriale, coïncidant bien souvent avec l’unité spirituelle qu’est la paroisse, terme couramment employé en lieu et place du terme de communauté.

Elle est régie par un certain nombre de conseillers dont le chef est le syndic de la communauté. Il est l’interlocuteur de l’administration fiscale, et à ce titre, personnellement responsable de la levée du sel dans sa communauté.

 

Le secrétaire de communauté :

 

Nommé et rétribué par l’Intendant, il tient pour le compte de la communauté la correspondance, les rôles de l’impôt et les registres divers.

A ce titre, c’est lui qui effectue chaque année les recensements des hommes et des bêtes, en se déplaçant de maison en maison. Il établit les documents appelés consignes où figurent la composition de chaque famille ainsi que le bétail, le commerce éventuel et la quantité de sel à lever correspondante.

Le regrattier

Elu par le conseil de communauté, il vend le sel au détail aux gabellants des communautés dont il a la charge. Il perçoit pour cela une rétribution de deux à quatre deniers par livre de sel vendue.

L’endroit où le regrattier vends le sel pourrait s’assimiler à un comptoir ou petit magasin, appelé banc à sel, situé dans un lieu de passage (chef lieu, marché etc…).

Le commis de l’entrepôt à sel

 

Il est responsable de l’approvisionnement, du stockage et de la vente en gros aux regrattiers. Une vingtaine d’entrepôts sont répartis sur le territoire du duché de Savoie. Chaque paroisse est rattachée à un entrepôt auprès duquel le regrattier doit s’approvisionner. Le territoire de rattachement à un entrepôt est appelé département à sel. En 1776 il y a 20 entrepôts qui sont à Chambéry, Aix, Yenne, St Genix, Montmélian, Aiguebelle, L’Hopital (Conflans), Rumilly, Seyssel (Le Regonfle), Annecy, Bonneville, L’Eluizet, Thonon, Genève, Sallanches, Moutiers, Saint-Jean-de-Maurienne, Modane, St-Michel-de-Maurienne, Lanslebourg.

Evires et les paroisses du plateau des Bornes dépendaient de l'entrepôt d'Annecy

B- La taxation du sel : qui et combien ?

      Toutes le familles sont soumises à un achat minimum obligatoire de sel par an, à lever  par quart tous les trimestres.

 

      La quantité annuelle à lever en livres par personne et par bête est la suivante :

(1 livre de Turin ou de Savoie = 0,36884 kilogrammes)

  • Personne de plus de cinq ans : 8 livres
  • Bœuf, veau ou génisse : 4 livres
  • Vache : 8 livres (compte tenu du sel nécessaire à la salaison de son " fruit " c’est à dire des produits laitiers)
  • Mouton : 1 livre
  • Brebis : 1 livre
  • Chèvre ou bouc : 1 livre
  • Cochon ou autre grosse bête mise à saler : 10 livres
  • Chèvre ou autre petite bête mise à saler : 3 livres
  • Cabaretiers, boulangers et autres activités assimilées : taxés à proportion de leur usage de sel, évaluée par le secrétaire de communauté lors du recensement

 

La gabelle du sel représente au XVIIIème siècle environ 8% du revenu minimum vital d’une famille.

En fait, chaque paroisse s’est vue attribuer une quantité de sel bien définie, quantité qui a été définitivement fixée pour chacune d’entre elles en 1723.

La levée du sel se répartit donc en 3 types :

  • la répartition selon la composition familiale (personnes et bêtes).
  • la répartition selon l’activité commerciale faisant usage de sel (boulangers, cabaretiers et professions assimilées)

(la somme de ces deux types constituant " la répartition selon le dénombrement ")

 

Les élections des Regrettiers

   Élection du regrettier de Vovray  

 

   Élection du regrettier de Villy leÉ Bouveret  p 26 et 27  le 8 janvier 1730 (2ème dimanche du mois) près du cimetière à l'issue de la messe paroissiale. En présence du chatelain du lieu, le Sieur Balleydier de Cruseilles, les honorables: Louis TISSOT, Claude GAY, Laurent FOURNIER, Jean BOCHET, Pierre FALCONNET, autre Pierre FALCONNET, Laurent BOCHET, Philippe GAY, Noël BOCHET, Claude et François TISSOT, Laurent BRAND, tous paroissiens et communiers dudit Villy le bouveret, assemblés, nomment Pierre fils de feu Pierre TISSOT pour faire le débit de sel que les paroissiens sont obligés de prendre pour 2 deniers par chaque livre de sel que les particuliers lui payeront. La répartition du sel reste à la charge du regrettier qui promet de bien acquitter la dite paroisse et de se comporter pour la dite charge en homme d'honneur, de bien juger et tenir par termes entre les mains du commis de l'entrepot d'Annecy......

      Élection du regrettier de Menthonnex en Bornes, p 30, Les honorables Jean DEMOLIS, Claude BERTHASSAT, Jacques HENRY, Laurent FOURNIER, Laurent DURET, Pierre CHAMOT, Pierre-Louys DURET, Jean DURET, Jean CHAMOT, Louys CHAMOT, autre Pierre CHAMOT, Pierre DURET tailleur d'habit, Claude DEMOLIS, et autre Jean DEMOLIS, tous paroissiens du dit Menthonnex, lesquels étant en assemblée nomment pour regrettier de la paroisse de l'an courant Pierre fils de feu Jacques DURET

     

 

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