Dans le contrat de mariage il est aussi fait mention du trousseau. Sous cette rubrique, il faut ranger des éléments qui sont en fait distingués dans les contrats : les robes nuptiales comme nous venons de le voir qui constituent aussi les vêtements de cérémonie que la femme portera le jour de ses noces et qui dureront toute sa vie, mais aussi le « trossel » et le « fardel ».
Le « trossel » se compose de vêtements ordinaires. Pour Jeanne Andréa, son trossel se compose d’un habit de couleur, un cotillon de tridaine (mélange de fil et de laine) et de deux corps à manche ou corsages. D’autres contrats de mariage nous renseignent un peu plus sur le « trossel » des épousées de l’époque. Ainsi Jeanne, la sœur de Jean Baptiste, épouse en 1701 Pierre Burnier de la Chapelle Rambaud, son trossel se compose d’un habit en serge bleu, c’est une étoffe de laine dont le poil est tiré en dehors et frisé, d’une robe en serge de Valence (tissu fabriqué dans la ville dromoise), de deux brassières, d’un corps à manches, d’une chemisette. Ce « trossel » est coutumier à Évires. Les couleurs traditionnelles de l’habillement des Éviroises à l’époque de Jean Baptiste sont le bleu, le rouge, le gris parfois le violet et le jaune. Les vêtements sont faits de serge de Valence ou de Londres pour les plus fortunés, de ratine, de tridaine. Néanmoins il est bien difficile de se rendre compte si les gens portaient un costume particulier. Les contrats de mariage nous présentent le costume paysan comme une sorte d’uniforme composé de pièces de coupe à peu près semblables[4] mais différentes quant à la matière, selon que la fiancée était riche ou pauvre. Le trossel comprend souvent un coffre de sapin ou de noyer, « ferré et fermant à la clef ». Andréa n’en avait pas mais Jeanne Carrier, soeur de Jean-Baptiste possédait un coffre de sapin.
Le « fardel » [5]se compose des draps ou « linceuls », couverture coussins de plume ; dans les familles plus aisées de tours de lits et de rideaux. À Évires, le fardel se compose aussi souvent d’une « moge » (une génisse), d’une ou plusieurs mesures de froment. Le « fardel » d ‘Andréa se compose d’un rang de toile, de deux linceuls, une moge et de deux quarts de froment (42.20litres). Celui de Jeanne se compose d’une génisse d’un an, de quatre linceuls, et trois quarts de froments légués par son père, un tour de lit avec ses franges mais sans rideaux, un coffre de sapin tenant deux coupes ( 168.80litres).
Le contrat de mariage se compose aussi de l’augment. C’est une donation que la coutume oblige le mari à faire à sa femme. En Savoie, elle est presque toujours égale à la moitié de la dot lorsqu’elle est en argent comme à Évires et au tiers lorsque la dot est en immeuble. Lorsque la dot est une constitution générale des biens de l’épouse, il est précisé que l’augment sera donné en proportion de ce que le mari aura perçu des droits de sa femme. En Savoie, l’augment n’était dû qu’à la femme ayant apporté une dot.
Dans nos villages du plateau des Bornes, les futurs époux font des cadeaux à leurs beaux-frères et belles-sœurs, parrains et marraines ; ils donnent des bijoux aux jeunes filles et jeunes gens, une robe aux marraines ; ils achètent un mouchoir de couleur pour le curé et plus tard pour le maire. Par contre si dans certains villages de Savoie il est de coutume d’enterrer sa vie de garçon ce n’est pas le cas dans nos villages du plateau des Bornes[6].
Arrive le jour du mariage, après la triple proclamation des bans à l’église, la « criée », trois dimanches de suite dans les villages respectifs des futurs qui ce jour–là n’assistent pas à la messe paroissiale, peut-être pour échapper à la curiosité publique. En règle générale, la jeune mariée va habiter dans la maison de son époux ce qui est le cas pour Andréa et Jeanne. Dans toute la Savoie[7] on se marie principalement le mardi ce qui est le cas à Évires mais on note aussi un certain nombre de mariages le jeudi, rares sont les mariages le vendredi, on n’en compte qu’une dizaine ce jour de la semaine sur une durée d’un siècle. On ne se marie pas en période de carême, bien sûr, ni au mois de mai, consacré à Marie ; on ne compte que 12 mariages en mai durant un siècle. Les Évirois se marient principalement en février (130 mariages) et en janvier (80 mariages). Les mois d’aôut, septembre, octobre ne sont pas très prisés à cause des travaux des champs. Décembre est aussi délaissé(6 mariages durant un siècle).
Généralement, le matin du mariage, le fiancé accompagné de sa parenté, se rend à la maison de sa fiancée pour la mener ensuite à l’église avec sa parenté à elle. Un petit déjeuner est préparé à la maison de la fille puis c’est le départ pour l’église. La fiancée ouvre le cortège au bras de son père ou de son frère aîné lorsque son père est décédé ; elle est accompagnée des filles d’honneurs ; puis vient sa parenté ; ensuite le fiancé au bras de sa mère, Jean Baptiste choisira Jeanne Carrier, sa tante et épouse de Pierre Vindret pour le mener à l’autel suivi des garçons d’honneur et de sa parenté. À la fin de la cérémonie, à la sortie, sous le porche chacun des deux époux embrasse ses deux beaux-parents pour « reconnaître la parenté » puis c’est le retour dans la maison de la mariée pour satisfaire au repas de noce. Le curé reçoit un mouchoir de couleur offert par le marié.
[4] Marie Thérèse Hermann Architecture et vie traditionnelle en Savoie
[5] Roger Devos La pratique des documents anciens p 91
[6] Arnold Van Gennep En Savoie du berceau à la tombe p 90 -94
[7] Arnold Van Gennep En Savoie du berceau à la tombe p 104