Ancêtres de Bresse et  de Savoie

La Savoie sous Charles-Emmanuel 1er

3. La Savoie sous Charles-Emmanuel 1er [1]200px-karl-emmanuel-i-savoyen-mateo.jpg CharlesEmmanuel 1er

Jean –louis CARRIER naît sous le règne de Charles- Emmanuel  (1580 -1630) dit le Grand qui fut un duc ambitieux et intrigant. Il s’était donné pour but de reconquérir Genève et le Pays de Vaud et de reconstituer à son profit, avec l’aide de l’Espagne, le royaume de Bourgogne, voire même d’accéder au trône de France.

Le mariage de Charles-Emmanuel pouvait constituer un pas décisif vers la réalisation de ses ambitieux projets. Henri III pour attirer son jeune cousin vers l’alliance française lui offrit la main de sa nièce Christine de Lorraine. Le duc de Savoie aurait volontiers consenti à ce mariage à condition qu’il obtienne la cession du marquisat de Saluces, dernière possession française enclavée dans ses États, en Italie, ainsi que l’abandon de la protection à Genève accordée par la France depuis 1579. Deux points sur lesquels Henri III ne voulait consentir. Finalement Charles-Emmanuel choisit l’alliance espagnole et le mariage avec l’infante Catherine. Le mariage fut célébré à Saragosse le 11 mars 1585. Le duc de Savoie espérait obtenir de son puissant beau-père un appui décisif qui lui permettrait de reconquérir le marquisat de Saluces et la ville de Genève ainsi qu’un bon morceau de la Bourgogne à l’occasion de la succession d’Henri III. Il ne reçut  de Philippe II que de vagues promesses car il ne voulait pas risquer une guerre religieuse qui aurait compromis la Franche-Comté, en sa possession et menacé la communication de ses troupes avec les Pays-Bas révoltés.

portrait-philip-spain-1527-15-hi-philippe-ii-d-espagne.jpg Philippe II d'Espagne

De retour d’Espagne, Charles-Emmanuel se rapproche de la Ligue, et entend vendre chèrement son appui pour réaliser l’extension de ses domaines à la rive gauche du Rhône, en Dauphiné et en Provence. Le rêve d’un grand royaume de Bourgogne.

Genève attaque

Dès le début de son règne, Charles-Emmanuel pense à la reconquête de Genève et multiplie les initiatives militaires. Pour lui, il s’agit de l’honneur de sa Maison, du triomphe du catholicisme et de l’intérêt économique de la Savoie. À Genève, les choses sont envisagées différemment. En se libérant de la tutelle savoyarde, les bourgeois ont restauré les libertés de la ville. En adhérant à la Réforme, les bourgeois ont rétabli le christianisme dans sa pureté primitive. Genève est devenue une des composantes essentielle de la Réforme, une capitale religieuse d’importance européenne.

Charles-Emmanuel n’avait pas les moyens d’exécuter un siège contre une ville puissamment fortifiée et susceptible d’être secourue par Berne, l’Allemagne et la France. De plus, l’appui effectif de Philippe II lui manquera. Le blocus économique qu’il mit en place contre Genève réussit à paralyser le commerce et à affamer ses habitants.

Pas d’autre issue pour Genève que la guerre, il n’était cependant pas question de s’y lancer sans avoir la garantie de la participation de ses protecteurs : Berne et la France. Les Genevois adoptèrent la tactique des coups de main contre les châteaux et les localités des environs. Le 19 mars 1591, ils surprirent la Roche. 3-1-roche-sur-foron-chatreau.jpg Les ruines du chateau de la Roche

Les Genevois, alliés des Bernois et d'Henri IV, envahissent La Roche en pleine nuit. La ville est dépourvue de soldats ; les Genevois en profitent pour piller, incendier et massacrer. Ils montent au Plain-château (la première enceinte) démanteler la forteresse du prince dont il ne subsiste plus désormais que l'imposante tour de garde (1258-68) ancrée sur son rocher : la fameuse tour des comtes de Genève. La Roche, place forte et ville de

garnison, représentait une menace pour Genève : les attaques sur la cité de Calvin étaient notamment préparées depuis La Roche. Cette guerre entre Genève et la Savoie, déclenchée par le duc Charles-Emmanuel en 1589, se solde par la cuisante défaite des troupes savoyardes lors de la bataille de l’Escalade, dans la nuit du 21 au 22 décembre 1602. Les Savoyards essayent de s’emparer de Genève par surprise, escaladant les remparts afin d’ouvrir les portes depuis l’intérieur. L’armée ducale se tient prête pour envahir la ville, mais une sentinelle donne l’alarme : la déroute savoyarde commence… Il s’agit de la dernière tentative de prise de la cité genevoise par la Maison de Savoie. Genève acquiert définitivement son indépendance. Une partie des échelles ayant servi à gravir les remparts avait été entreposée à La Roche.

Le traité de Lyon le 17 janvier 1601 met fin aux illusions du duc.

En échange du marquisat de Saluces tant convoité par Charles-Emmanuel, celui-ci dut céder toutes les possessions savoyardes au-delà du Rhône, c’est-à-dire la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex. Charles-Emmanuel prit une colère épique quand il apprit les conditions de ce traité signé par ses ambassadeurs le 17 janvier 1601 à Lyon.

 

En effet, le traité de Lyon sonnait comme le glas des illusions de Charles-Emmanuel sur un possible agrandissement à l’ouest, au détriment du royaume de France. Avec la Bresse, l’État savoyard arrivait aux portes de Lyon, après l’échange, il était reporté au-delà du Rhône, en gros à nos deux départements actuels. Charles-Emmanuel espérait retrouver la Bresse et ses provinces perdues, mais il lui faudra se rendre à l’évidence : le traité de Lyon ne sera jamais remis en question.

Désormais, Charles-Emmanuel se tourne vers l’Italie et cherche à agrandir son domaine du côté de Montferrat, du Milanais et de la rivière de Gênes. Continuant sa politique de bascule de renversement des alliances, il se rapproche de la France puis déçu, retourne à l’alliance espagnole.

Les ambitions italiennes[2]

Lassé par le protectorat que continuait d’exercer l’Espagne sur ses États et comprenant qu’elle ne consentirait jamais à leur extension en Italie, Charles-Emmanuel se tourne progressivement vers la France.

francois-de-bonne-lesdiguieres.jpg Le duc de Lesdiguières

Le duc de Lesdiguières, un fidèle d’Henri IV, au nom de la France et Charles-Emmanuel conclurent le 25 avril 1610 près de Suse, une alliance offensive et défensive pour la liberté de l’Église  et de l’Italie et contre les empiétements de l’Espagne. Les conditions étaient très favorables au duc, au lieu de la cession de la Savoie en échange du Milanais, qu’il avait d’abord envisagé, Henri IV se contentait de la démolition de Montmélian, et à la place de Pignerol pour la sûreté de ses troupes, il acceptait deux villes à enlever aux Espagnols, Victor-Amédée, prince du Piémont, épouserait Élisabeth de France, fille du roi. Occasion magnifique pour Charles-Emmanuel  de s’agrandir de tout le Milanais sans rien céder de la Savoie. Mais tout cela n’était encore que du papier quand Ravaillac fit s’écrouler cette belle combinaison le 14 mai 1610.

mariedemedicispourbus.jpg Marie de Médicis

Marie de Médicis, régente, et ses ministres abandonnèrent l’opération prévue en Italie ainsi que le projet de mariage d’Élisabeth avec Victor-Amédée au profit d’un mariage espagnol. Ce n’était pas seulement une immense déconvenue pour Charles-Emmanuel, mais le lâchage de la France le laissait surtout à la merci des troupes milanaises de Fuentès, il ne lui restait plus qu’à envoyer son fils Philibert implorer le pardon de Philippe III.

Entre 1613 et 1617, le duc de Savoie va se lancer à nouveau dans la guerre à Montferrat, suite au décès de François de Gonzagues, duc de Mantoue et de Montferrat, afin de faire valoir ses droits sur ce dernier territoire à demi enclavé dans ses États. Charles-Emmanuel  n’a retiré aucun avantage de cette guerre de Montferrat, mais elle lui a permis de se présenter comme le champion de la liberté de l’Italie, capable de tenir tête aux Espagnols. L’alliance française lui avait bien réussi, il fallait l’affermir dans l’espoir de voir renaître la politique d’Henri IV et le traité près de Suse. Lesdiguières prépara le mariage de Victor-Amédée et de Christine de France, sœur de Louis XIII, et à la fin de l’automne 1618, Charles-Emmanuel envoya en ambassade extraordinaire à Paris, son propre fils, le cardinal Maurice de Savoie, accompagné du comte Philibert de Verrue, du président du Sénat, Antoine Favre, et de l’évêque de Genève François de Sales. Le mariage fut célébré dans la chapelle du Louvre le 10 février 1619.

Lors de la seconde guerre de Montferrat (1628-1631), Charles-Emmanuel n’eut pas plus de chance que la première fois. La peste était partout, en Savoie comme en Piémont, et faisait fondre les régiments comme neige au soleil par la mortalité et les désertions. Au milieu  de la désolation générale, Charles-Emmanuel  meurt d’apoplexie à Savillana le 26 juillet 630. L’historiographie savoyarde lui a décerné le titre de grand. Il s’agit surtout de l’échec d’une politique ambitieuse qui a accumulé ruines et misères. À sa manière cependant, Charles-Emmanuel a contribué à affermir et à souder l’État savoyard autour de la personne de son souverain.



[1] Roger DEVOS et Bernard GROSPERRIN, la Savoie de la Réforme à la Révolution française, p 82 à p 96

[2] Roger DEVOS et Bernard GROSPERRIN, la Savoie de la Réforme à la Révolution française, Ouest France, p 98 à 106

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

Ajouter un commentaire